THE L WORD : INTERVIEW ILENE CHAIKENThe L Word, c'est fini. Après six années détonantes d'amitiés, d'amours et d'intrigues diverses sur Showtime, il aura finalement fallu dire adieu à Shane, Jenny, Tina, Alice et Bette. Mais si les aventures de nos lesbiennes préférées sont pour le moment achevées sur le petit écran, rien n'indique que nous ne les retrouverons plus, bien au contraire. Présente au récent 49ème Festival de Monte Carlo, la créatrice de la série Ilene Chaiken nous a ainsi confié plancher actuellement sur un film faisant suite aux derniers évènements de la série, et ne pas perdre espoir en un spin-off qui cherche toujours un foyer à l'heure actuelle. Les infos étant toutes fraîches et les fans de la série subissant désormais un sevrage difficile, on ne résiste pas à l'envie de partager ces quelques moments avec vous, là, tout de suite.
[Attention, légers spoilers sur la sixième saison]En regardant en arrière sur les six ans de l'aventure the L Word, quelles sont les choses dont vous êtes la plus fière ?Je suis fière d'avoir participé à la vie de ces personnages et de la manière dont ils ont interagi avec le reste du monde. J'ai adoré les conversations qui ont eu lieu au sujet de la série. C'était passionnant de les partager à travers le petit écran avec autant de gens.
Certains spectateurs ont critiqué le fait que The L Word narre les aventures d'un groupe de lesbiennes aisées, évoluant dans un monde d'argent et de culture abondante. Que pensez-vous de ces remarques ?J'ai pris la décision dès le tout début de la série, de raconter l'histoire de lesbiennes influentes évoluant à Los Angeles. C'est une communauté de lesbiennes que je connais, et je ne l'ai jamais imposée en disant que toutes les lesbiennes ressemblaient à cela. J'ai plutôt dit '
je vais faire une série télévisée focalisée sur un groupe d'amies qui vivent à cet endroit, qui ont ces positions professionnelles, et qui ont plus d'influence que la majorité des gens'. Et cela fait partie du genre de choses que les gens aiment regarder à la télévision. J'ai choisi ce groupe de personnages car je pense qu'ils sont distrayants et attirants, et que cela va me permettre de raconter mes histoires. C'était, d'une certaine manière, une façon de montrer des personnages vers lesquels on a envie de tendre. Elles n'étaient pas parfaites, mais elles étaient inspiratrices et glamour pour certaines, et je crois que c'est ce que le public appréciait de voir.
Comment est-ce que les fans ont réagi aux intrigues de la dernière saison ?Je ne sais pas. J'ai beaucoup interagi avec les fans au fur et à mesure des années, mais comme il s'agissait de notre ultime saison, j'ai baissé la tête, j'ai raconté les histoires que je voulais raconter, et je n'ai pas vraiment cherché le contact avant aujourd'hui. Je sais que certaines personnes n'étaient pas satisfaites ou heureuses de cette saison, particulièrement avec le fait que l'intrigue tournant autour de la mort de Jenny est si présente. En ce qui me concerne, la série parle avant tout d'amour et d'amitié. Je travaille actuellement sur le script du film faisant suite à la série, je me concentre à nouveau sur ces amours et ces amitiés, et j'espère que c'est ce que les gens retiendront de la série.
Saura-t-on enfin qui à tué Jenny ?Dans le film, oui, vous saurez ce qu'il lui est arrivé, mais ce ne sera pas le fil conducteur principal du film. Ce sera bien plus une comédie romantique, et cela parlera de la vie, comme la série a su le faire jusqu'à présent. Malheureusement, on ne sait jamais quand ce genre de projet voit le jour, mais j'espère que cela se fera dans des délais raisonnables.
Y'a-t-il une grande différence à écrire pour une série ou pour un film ?C'est différent. Les besoins d'un film ne sont pas les mêmes que ceux d'une série. Dans une série, la vie est épisodique. Elle continue, elle évolue. Un film se doit d'avoir une forme plus définie, une structure plus succincte. Il doit s'articuler autour d'une histoire. Donc l'approche est très différente. Ce n'est pas plus difficile mais cela change. Vous avez des responsabilités et des obligations créatives plus claires.
Est-ce que le projet d'un film a, d'une manière ou d'une autre mis un frein à la mise en place du spin-off ?Non, les deux projets sont des entités séparées. Le spin-off était quelque chose de très différent de la série puisqu'il parlait de prison, mais c'est quelque chose que j'ai toujours l'espoir de mettre en place un jour, et je lui cherche un nouveau foyer. Je crois que les raisons qui ont fait que Showtime a passé la main ont moins à faire avec la série elle-même qu'avec les impératifs et les besoins de la chaîne.
Vous avez parlé des choses dont vous étiez fière, avez vous également des regrets ?On a toujours des regrets, on a toujours des choses que l'on revoit et au sujet desquelles ont se dit que tout n'était pas parfait, mais je ne reviens pas dessus à outrance. Je regarde la série telle que nous l'avons faite et parfois je me dis '
nous avons fait du bon travail', parfois '
j'aurais pu mieux faire à ce niveau', mais le principal c'est que nous nous sommes toujours donnés à fond. Il est inévitable que, lorsque vous travaillez sur des centaines d'heures de télévision, parfois vous réussissez, et d'autres fois un peu moins.
Comment est-ce que l'on dit au revoir à ses personnages après tant d'années ?C'est bien simple, je ne le fais pas. Ou disons que je le fais pour le moment. A l'instant où nous avons annoncé qu'il s'agissait de notre ultime saison sur Showtime, j'ai dit '
je ne crois pas que ce soit la fin'. Ce n'est pas fini pour moi, et d'ailleurs, la façon que j'ai de continuer à faire vivre la chose, c'est d'écrire un film, d'essayer de tout faire pour que cela marche, et je crois sincèrement que cela aboutira. Je crois également que les personnages continuent à vivre dans les conversations et dans l'esprit des gens, mais je pense qu'il y a une franchise
The L Word, qu'elle doit survivre d'une manière ou d'une autre, et j'essaye de penser à quoi cela pourra ressembler.
Pensez vous que The L Word a ouvert la voie à d'autre séries du genre ?Oui, c'est ce que j'espère. Je pense que ce sera le cas, je crois que ce doit être le cas. Je pense également que le film
The L Word me permet de retrouver et de donner suite à ces histoires, spécifiquement, à ces personnages avec ces acteurs, leur donner une autre dimension. Mais oui, je suis persuadée que la série aura des bébés. Que cela vienne de moi ou de quelqu'un d'autre, je pense qu'il y aura une descendance.
Pensez-vous que la série a aidé l'actrice Kelly McGillis à faire son coming-out ?Je ne sais pas si ça l'a aidée, mais nous étions honorés et enthousiastes de l'avoir dans la série. Cela avait beaucoup de sens pour nous, non seulement grâce à son voyage personnel, mais également grâce à son parcours professionnel et à son cachet d'actrice. Je ne lui ai jamais parlé de son coming-out. Il s'agit de sa vie privée mais je suis contente pour elle car il est probable que cela rende sa vie meilleure.
En reparlant de Showtime, avez vous eu une liberté artistique totale durant les six années de la série ?J'ai eu un soutien incroyable. Je ne dirai jamais que j'ai eu une liberté totale, car vous avez forcément certaines obligations, quelle que soit la chaîne pour laquelle vous travaillez puisqu'il faut tenir compte de leurs besoins, mais j'ai vraiment eu un énorme soutien, je n'ai jamais été censurée. Jamais on ne m'a dit '
vous ne pouvez pas raconter cette histoire' ou '
ce n'est pas ce que nous voulons que le show aborde'. J'ai eu une grande liberté pour narrer les histoires de ces personnages lesbiens, et ils ont assumé que j'en savais plus qu'eux sur le fait d'être une lesbienne.
Quels étaient ces besoins, justement ?Showtime avait besoin d'une série qui attire l'attention d'une certaine portion de la population, d'un certain type de public, et il fallait que cette portion soit assez large. Donc il fallait que cela soit intéressant et amusant d'une certaine manière, et heureusement, en ce qui me concerne, je voulais raconter des histoires sans restrictions. Le motto de Showtime est 'pas de limites'. Cela les aide en un sens d'avoir ce type d'histoire et d'arborer une image provocante.
Pensez-vous que, au final, la série a changé l'approche du public vis à vis des lesbiennes ?On me dit que c'est ce que pensent les gens, mais je ne crois pas que j'en sois la raison. Je pense pour ma part avoir eu la chance d'être celle qui a pu raconter ces histoires. Ces histoires devaient un jour ou l'autre atterrir à l'écran. Je crois que nous vivons dans une vague culturelle progressiste et je pense que nous sommes encore dedans, même s'il se passe des choses dans le monde qui sont parfois l'antithèse du progrès. Nous allons tout de même de l'avant et
The L Word était un miroir de cela, en faisait partie, guidait peut-être parfois le mouvement mais officiait principalement comme un élément de ce mouvement.
Avez-vous entendu parler de la référence faite à The L Word dans Les Soprano ?Oui. Il y a plusieurs séries qui ont cité le show, et c'était très appréciable pour nous de devenir un phénomène culturel, au point d'être cités dans d'autres séries. J'adore le fait que Tony Soprano ait changé d'avis au sujet des lesbiennes.
Il y a de plus en plus de personnages lesbiens dans les fictions télévisuelles, comme par exemple dans Nip/Tuck. Qu'en pensez-vous ?Je ne les ai pas vus. Je crois que c'est
Portia de Rossi qui joue le personnage dans
Nip/Tuck et en tant que lesbienne, je suis très heureuse d'être représentée par elle dans la série, mais je pense que cela reste tout de même un phénomène assez restreint. Il n'y a pas encore d'autres séries dans lesquelles le personnage principal est une lesbienne. Donc si je suis contente que nos histoires soient représentées par petits bouts ici et là, nous n'y sommes pas encore, loin de là.
Avez-vous également d'autres projets ?Oui, je travaille sur d'autres choses, c'est amusant, cela change, c'est rafraîchissant. Mais j'adore également
The L Word et je ne me sens pas lassée, et je ne crois pas en avoir fini avec. Je sais que j'y reviendrai d'une manière ou d'une autre.
Quels sont les autres sujets que vous aimeriez aborder ?Ah, il y a tellement de choses... Je n'aime pas parler de ce sur quoi je travaille quand ce n'est pas encore abouti, mais beaucoup d'autres genres me passionnent et je travaille sur (
hésitante)... sur d'autres genres.
Vous avez travaillé avec un formidable groupe d'actrices...C'est exact !
Y-en-a-t-il une qui vous ont apporté une performance qui vous a plus marquée que les autres ?Elles m'ont toutes plus ou moins marquée à différents moments. J'ai surtout adoré les voir évoluer dans leurs personnages, en prendre possession. Certaines on radicalement changé et c'était un bonheur d'assister à cela. Il y avait des moments ou chacune d'entre elles m'a enthousiasmée par un jeu que j'ai vu s'épanouir et surgir devant moi. Mais je ne peux pas dire que l'une d'entre elles était plus mémorable qu'une autre.
Est-ce que la communauté en ligne qui s'est rassemblée autour de la série est encore active ?Je pense que c'est une communauté qui est toujours très vivante. Beaucoup de personnes s'y sont trouvées, ont continué à converser dans ces communautés et je crois qu'elle est encore très active et que son élan est encore loin de s'essouffler. J'espère à ce titre que nous aurons l'opportunité de monter le film et de raconter d'autres histoires qui toucheront cette communauté pendant qu'elle est encore à ce point vivante et vibrante.
Pensez-vous que la présidence d'Obama va changer quelque chose au statut des lesbiennes en Amérique ?Je pense que dans l'absolu, l'élection d'Obama est une grande chose, pour l'Amérique et pour le monde, et que notre président se doit d'être plus progressiste et de devenir un meneur en ce qui concerne les droits et les problèmes des LGBT (Lesbiennes, Gay, Bisexuels et Transsexuels). Peut-être que ce qui me déçoit le plus en ce moment, c'est qu'il n'est pas là où l'on voudrait qu'il soit, et il n'est clairement pas là où moi je voudrais qu'il soit concernant les droits des gays. Il reste encore beaucoup de travail à faire à ce sujet. Par exemple, je trouve que l'égalité face au mariage est quelque chose d'inévitable et de juste, j'aimerais que le président s'y attèle, et je pense que les moeurs évoluent plus vite que lui.
Est-ce que la crise économique affecte la manière dont vous envisagez vos nouveaux projets ?La crise économique affecte tout. Cela n'affecte pas le désir et la motivation de vouloir raconter certaines histoires mais la façon de les raconter, ainsi que les opportunités de le faire. Il est indéniable que nous sommes tous touchés par cela. Sans doute cela nous rendra-t-il plus créatifs.
Le fait d'avoir autant de fans a-t-il modifié la manière dont vous avez raconté certaines de vos histoires, ou la façon dont vous avez fait évoluer certains personnages ?Je crois que j'ai beaucoup appris des fans. Oui, cela a eu un impact. Dès le moment où vous mettez votre histoire au monde et qu'elle touche un public, elle appartient à ce public. Et j'ai pour ma part appris qu'il y a une interaction avec les spectateurs qui, que vous le vouliez ou non, affecte les intrigues que vous racontez. Si vous arrivez à en tenir compte, cela fait de vous un meilleur conteur d'histoires. C'est mon expérience personnelle.
Pensez-vous avoir eu le temps de parler de tout ce dont vous vouliez parler dans la série ?Vous n'avez jamais assez de temps pour parler de tout ce qui vous tient à coeur, mais concernant le fait que nous n'aurions pu aborder des sujet importants, je dirais qu'il y a encore une fois des histoires que nous aurions pu raconter de façon plus efficace, mais je n'ai aucun regret. Je tenterai toujours de faire les choses de la façon la plus amusante possible.
source : DVDRAMA